mardi 19 juillet 2011

Démarche artistique (2) - Lecture inspirante

Comme promis, voici divers passage qui ont marqués mon esprit et guidés ma pratique.

''Il devient évident à la fin du 19e siècle, que ceux qui mettent à nu symboliquement et physiquement échappent eux-mêmes à la mise à nu. On ne représente jamais les "prostitueurs" - à la nudité érectile qui défilent - on imagine - sans pantalon dans le lit des innombrables "filles" de joie. La fiction de la prostituée s'enracine.''

"Le véritable viol est celui de l'imaginaire collectif réduit par le créateur souverain à un vaste fantasme entièrement mâle.''

"La modèle nue incarne surtout un prototype de femme à qui on impose le silence, une femme qui n'a aucun droit de réponse, une femme qu ne parle pas parce que l'artiste parle à sa place."

"La femme nue est essentiellement une femme privée de réciprocité."

"L'artiste qui met en scène la modèle choisit le point de vue et donne la perspective. L'image qu'il fabrique est destinée à la gratification d'un spectateur ou d'un client présumé mâle. Elle est aussi destinée à toutes les femmes qui sont appelées, dans le grand inconscient collectif à se conformer à la projection, à entrer dans le cadre."

"L'artiste choisit le scénario, contrôle la narration et parle avec autorité d'un corps qu'il objective, sans imaginer que la modèle puisse répondre à son point de vue. La pratique contemporaine du nu est à ce chapitre stupéfiante. D'innombrables artistes du 20e siècle continuent d'affirmer catégoriquement ce qu'ils croient savoir sur le corps et la réalité de la femme, sans tenir compte des nouvelles subjectivités qui se sont exprimées et qui devraient désormais faire partie de leurs références."

"-L'observateur Privilégié -
L'artiste destine ses représentations de nu spectateur réel ou imaginé. Ce spectateur, c'est d'abord lui-même, puis les substituts qu'il introduit dans la mise en scène, enfin le client qui achète la production et tous ceux qui la voient subséquemment en privé ou en public."

- Les scénarios -

1. La femme mise à nue et offerte passivement


Scénario classique, privilégié par le plus grand nombre d'artistes qui décrivent avec minutie la mise à nue et le cérémonial du bain.

2. La femme nue fusionnée à la nature ou, inversement entretenant avec les animaux des rapports contre-nature.

L'artiste qui campe sa modèle nue dans la nature célèbre une femme aux origines non pervertie par la culture, ou rappelle au contraire qu'elle se développe en marge du monde animal et entretient avec lui d'étranges rapports.

3. La femme nue en intimité avec d'autres femmes 

Les représentations de femmes nues dans l'intimité sont clairement destinées à un voyeur extérieur à la scène. Les figurantes engagées dans leurs jeux sont orientées de manière à ce qu'il ait le meilleur point de vue possible sur les ébats.

4. La femme nue violentée et soumise

Le voyeur devient plus exigeant. La violence faites aux corps nus n'est plus symbolique (dans les poses et les rôles) mais réelle. L'artiste montre un corps de femme agressée à la douleur jouissive pour le spectateur. La peau vulnérable est littéralement pénétrée par des couteaux des flèches et des sangles.

5. La femme déchue

"L'artiste suggère que la femme a des tendances naturelles à la perversion pour justifier le mépris et la violence infligés à son corps. Déjà  amplement soupçonnée par les philosophes du Moyen-Âge de semer la corruption, elle est indéfiniment mise en scène dans des situations punitives : humiliation, défécation, masturbation, prostitutions."

6. La femme nue fragmentée ou éclatée

"Culmination de la dépersonnalisation dans l'anonymat : le corps intégral devient un territoire découpé en zones utilitaires. Si la société de consommation sécrète une division et un cloisonnement des fonctions que la publicité exploite au maximum, l'artiste en consacre la dimension esthétique. Tout le corps est d'abord réduit à un ensemble de fonctions dans l'installation d'Allen Jones : Femmes porte-chapeaux table et chaise (1969). Morcelé, le corps devient un regroupement d'organes fonctionnels - La tête saute, reste un corps purement sexuel.
Tom Wesselmann - Grand Nu Américain #98 - 1965"

"Avec l'alibi d'un nu artistique demeuré très accadémique, de nombreux artistes contournent les nécessaires questionnements soulevés par Susan Sontag."

"Photographier quelqu'un, c'est lui faire violence (...) c'est faire de lui un objet que l'on peut symboliquement posséder."  Susan Sontag - La photographie, Seuil, p-24-25

"La photographie est un acte de possession par lequel le photographe s'approprie le sujet. La photo, loin d'être un simple outil de reproduction, est au contraire un instrument de contrôle et de subjugation de la réalité. La femme qui se livre à l'oeil de la caméra, à l'objectif, trouve sa raison d'être dans l'image fabriquée qui en sortira et qui la fera être pour celui qui la photographie'' - IBID

"Le regard du photographe impose une détermination au corps très importante à cause de sa charge réaliste. La modèle reçoit l'image comme double iconique et imaginaire d'elle-même."

''C'est la photo artistique et publicitaire qui réactualise aujourd'hui la tradition d'un nu académique moribond en peinture, en cultivant avec assurance une distance hiérarchique entre la modèle et le photographe, en exploitant aussi la nudité comme signe du pouvoir généralisé de l'homme sur tout corps observé."

"Le regard qui dévoile le nu est le regard perspectif classique à partir du point de vue fixe. Il se méfie de l'oeil intérieur ou de tout écart qui risquerait de le faire basculer hors du champs étroit de l'objectivation. Il esquisse le rapport du féminin. il craint surtout de se perdre dans son sujet d'observation ou pire d'être à son tour observé par lui.''

"(...) l'homme projette sur la femme ce qu'il recèle en lui de féminin. considéré comme d'essence inférieure. La femme se voit ainsi contrainte d'assumer en plus de sa féminité, ce que cette projection d'origine masculine comporte au féminin. La femme, est de ce fait, femme à la puissance deux."
-Ammann, Jc Masculin- Féminin, physionime du travesti in art actual, Skira Annuel, Genèeve 1975, p.140-143

"Cet enfermement et cette répétition dans le nu donnent cependant des signes d'éclatement du côté des artistes homosexuels et féministes. Comme conséquence de la visibilité homosexuelle, le corps masculin redevient en jeu du désir et surtout objet du regard. Depuis la Renaissance, les artistes abordaient avec retenue le nu masculin intégral décrivant plus volontiers du côté des saints Sébastien aux sens voilés. Les exercices académiques, allégoriques ce déploiement, les fresques mythologiques célébraient une nudité masculine glorieuse en continuité avec la tradition grecque.


Cette vulnérabilité s'affiche encore plus rarement en public, au musée. L'institution fait écho aux artistes qui s'interdisent toute dérive sur le corps masculin en marginalisant sans équivoque le nu masculin en ses murs. Ainsi, le visiteur du Musée national d'art moderne à Beaubourg est gratifié de centaines de nus féminins allant de l'immense "Blue Paper" de David Salle aux majestueux bronzes de Matisse. Dans tout le musée, quelques minuscules nus d'hommes prudemment confinés aux couloirs latéraux, qui se lisent comme autant de bizarreries sans importances.


Absence significatives codes implicite : l'artiste doit encore se justifier - par l'homosexualité le pus souvent - pour intervenir sur son propre corps ou sur le corps d'un autre homme. Jamais cependant ce nu masculin ne rivalise sur la place publique avec les aplats de Wesselmann ou l'Olympia de Manet."


Passages tirés du bouquin : L'autreOeil le nu féminin dans l'art masculin, par Marie-Jeanne Musiol aux éditions "La pleine lune" -


0 commentaires:

Enregistrer un commentaire

 
Powered by Blogger